mercredi 25 janvier 2012

Mis en examen, le président du RC Lens Gervais Martel est « serein »

C'est une opération de communication du procureur de la République d'Arras ! » Sourire narquois et un rien agacé, Frank Berton, l'avocat du groupe Ramery, s'apprêtait à monter chez le juge d'instruction, dans le hall du tribunal d'Arras. Philippe Beauchamps, président du directoire de Ramery, Jean-François Dutilleul, son homologue de Rabot-Dutilleul, et bien sûr Gervais Martel, l'homme qui donne sa dimension populaire à cette histoire, sortaient d'une trentaine d'heures de garde à vue pour être présentés au juge.
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« Cette histoire ne tient pas debout », grinçait l'avocat lillois. Et son confrère Didier Robiquet, qui défend le président du RC Lens, voulait faire passer le même message de sa moue détachée : « Rien n'empêche une société de prêter de l'argent à qui elle veut. Sauf si c'est régulier, auquel cas cela devient un exercice illégal de la profession de banquier. » Bref, pour les deux avocats, on ennuie leurs clients et Jean-François Dutilleul pour rien.

Trois chèques

Ce rien-là vaut 4 millions d'euros, tout de même. Le montant global de deux prêts accordés par les entreprises de BTP Ramery et Rabot-Dutilleul à Gervais Martel en juin 2010. Pour moitié, cette somme devait aider le président du Racing à rester majoritaire au sein de la holding GM Finances (qui détient le club), à l'époque où le Crédit Agricole Nord était entré au capital.
Trois chèques ont donc été versés sur les comptes personnels de Gervais Martel à la Barclay's. Deux fois un million, une fois deux. De quoi réjouir un banquier, normalement. Mais celui-ci a l'esprit grincheux : ne sachant pas tracer la destination de tant d'argent, la banque a saisi le rusé TRACFIN, organisme d'État chargé de... traquer les mouvements de fonds clandestins. « Une société privée qui prête de l'argent à une personne physique, cela peut permettre de se poser des questions », dit Hugues Weremme, le procureur de la République que semble tant apprécier Me Berton.
Et il a l'air sûr de lui, le magistrat : « En l'état, le caractère anormal de ces prêts me paraît suffisamment établi pour que soit saisi un juge d'instruction. » Tout cela est le résultat d'une enquête de plusieurs mois, au cours de laquelle ont été recueillis « des éléments très concrets et à charge », dit Magali Caillat, directrice adjointe de la police judiciaire. Le procureur Weremme suspecte deux choses. D'abord un engagement écrit de Gervais Martel envers Ramery et Rabot-Dutilleul pour les travaux à venir du stade Bollaert. Mais il concède : « À l'époque des faits, en 2010, ce sont des rapports entre sociétés commerciales privées sur lesquels il n'y a pas d'autres remarques à faire.
» Il évoque ensuite la destination de cet argent : « Il s'agissait de conforter la participation de M. Martel au capital de GM Finances, mais 50 % des sommes étaient prêtées à des fins personnelles. » On notera au passage que cela n'a pas empêché le Crédit Agricole de prendre le contrôle de la holding en juin de l'année dernière. Pour les 50 % restant, il s'agissait de rembourser certaines dettes personnelles - de jeu, notamment.

« Transparent »

Voilà pourquoi neuf personnes ont été entendues par la police judiciaire et trois d'entre elles présentées au juge d'instruction arrageois. Pour Ramery et Rabot-Dutilleul, les choses sont claires : « Mon client réalisait une opération commerciale, dit Me Berton. Il a intérêt à aider Gervais Martel à rester majoritaire au sein de son club, puisqu'il leur confie régulièrement ses chantiers. » Ce qui est tout à fait régulier, puisque la ville, propriétaire du stade, en a confié la gestion au club par bail emphytéotique.
Le procureur lui-même le souligne.
Reste l'usage, peut-être. « On nous oppose que ce n'est pas l'objet social d'une entreprise de BTP de prêter de l'argent », avance Me Robiquet. En tout cas, même mis en examen pour recel d'abus de biens sociaux et corruption privée passive, c'est un Gervais Martel très alerte et parfaitement détendu qui est sorti du palais de justice arrageois : « Nous avons parlé avec des gens extra, qui font leur travail, d'un prêt tout ce qu'il y a de plus transparent, puisqu'il a été rédigé par des juristes, enregistré et déclaré au fisc dans les temps. Je comprends les vérifications, et je conteste toute infraction. » Les dirigeants des deux entreprises, eux, sont sortis beaucoup plus discrètement. Philippe Beauchamps et Jean-François Dutilleul sont mis en examen pour abus de biens sociaux et corruption privée. On peut parier que l'enquête sera longue
http://www.lavoixdunord.fr/Region/actualite/Secteur_Region/2012/01/25/article_gervais-martel-ennuye-pourun-transfert-d.shtml

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