lundi 18 août 2014

Guerre des clans : quatre morts et des zones d'ombre

Deux assassinats à Beauzelle et Toulouse ont remis à la Une de l'actualité le quartier des Izards, secoué depuis neuf mois par quatre meurtres. Une guerre des clans difficile à comprendre.
Que se passe-t-il aux Izards ? Dans ce quartier en zone de sécurité prioritaire du nord de Toulouse traumatisé par l'affaire Merah, les mines sont basses, les commentaires rares. En 48 heures, Wallid Larbi-Bey, 29 ans et Mehdi El Aouamad, 24 ans, sont morts assassinés à Beauzelle et Toulouse, place du Milan. Deux enfants de la cité, pas des oies blanches, ex-frères de mauvais coups mais devenus adversaires. Tous les deux pris pour cible et froidement éliminés au fusil d'assaut Samedi, la police a même dû intervenir à l'institut médico légal de l'hôpital Rangueil. Les deux familles, venues se recueillir devant le corps de leur enfant, se sont croisées. Ce qui a donné lieu à des insultes et des menaces.

1. Un mobile confus

Quand en décembre, coups de feu et menaces ont éclaté aux Izards, tout le monde a été surpris que quelques jours plus tard, une rafale de Kalachnikov vise le hall d'un immeuble rue des Chamois et tue un garçon de 18 ans, Nabil Bennani. Surprise et pourtant, depuis déjà plusieurs semaines, l'ambiance était «pourrie». «Les anciens s'inquiétaient de la dérive et du risque de flingage depuis déjà un moment», lâche un observateur. Cette guerre est liée à la maîtrise du trafic de drogue mais les ressorts véritables restent mystérieux.

2. Qui sont les chefs ?

«Longtemps, la drogue a fait vivre les Izards. Le quartier vendait même aux autres cités», prévient un initié. Seulement ces dernières années, les «figures» du business ont pris du recul. Les «historiques» absents, les rivalités se sont exacerbés. «Avant tout le monde mangeait et personne ne se plaignait», insiste l'initié. Les opérations à répétition de la police ont déstabilisé l'organisation mais pas coupé les approvisionnements. Certains ont alors voulu maîtriser le deal, sans partager, et les incidents ont démarré. Depuis l'assassinat du Milano le 21 janvier, le calme semblait revenu. Précaire. La sortie de prison de Wallid Larbi-Bey en mai, faute de preuve, et un de ses amis un peu plus tôt, a envoyé un mauvais message.

3. Le rôle du milano

Depuis le 5 décembre, quand un des gérants du Milano a été pris pour cible, le snack restaurant de l'avenue de Launaguet revient comme un mauvais refrain. Pris pour cible le 5 décembre par Larbi-Bey, du moins selon ses premières déclarations, un des gérants n'a pas hésité à parler aux policiers. En retour, il n'a pas vraiment été soutenu. Ni par le quartier, ni bien sûr par les gens qu'ils avaient dénoncés. D'ailleurs au moment d'être confronté à ses agresseurs en mai, cet homme à dit stop. Pas de témoignage, pas de reconnaissance et Larbi-Bey et son complice supposé ont quitté la prison. Auparavant, le 21 janvier, Miloud Nemard 25 ans avait été assassiné au Milano le 21 janvier, et deux autres clients blessés par balle. Et le deuxième gérant, Medhi El Aouamad, 24 ans, a payé de sa vie vendredi son attachement à l'établissement de la route de Launaguet. Le Milano est fermé depuis la tuerie du 21 janvier.

4. Vont-ils s'arrêter là ?

Comment arrêter la spirale des règlements de comptes et éviter de nouveaux morts ? Les appels à témoin lancés par le procureur ressemblent à un aveu d'échec qui risque fort de rester sans écho. Dans les quartiers, les délinquants comme les habitants ne parlent pas, même sous X. Cette omertà rend très difficile des investigations où, souvent, les hommes de la police judiciaire «sentent» les pistes mais manquent d'éléments pour les concrétiser au plan procédural (lire ci-dessous). Et la réalité de ces meurtres à l'arme de guerre inquiète les policiers présents en première ligne. «Ils se tuent entre eux et nous n'arrivons pas à les arrêter. Demain, vont-ils hésiter à nous tirer dessus ?», s'interroge un policier. Les syndicats de police sont inquiets et réclament, comme l'Unité SGP police, «attention et moyens» pour lutter efficacement contre une délinquance sans limite.

Meurtres sans coupable

Si la vague de règlements de comptes qui ensanglante la ville constitue une première à Toulouse, la difficulté de mener des enquêtes dans le milieu des cités n'est, en revanche, pas une nouveauté.
Caffort : qui a tué Gérald Delbois ? En mars 2011, un samedi soir, un homme s'avance vers la cité Caffort et ouvre le feu sur Gérald Delbois, 20 ans. Touché en pleine tête, ce garçon ne survit pas à son agression. La brigade criminelle de la sûreté a remué la cité, ses trafiquants de drogue, soupçonné beaucoup de monde mais personne n'a été mis en examen. Des soupçons «très sérieux» pèsent sur certains individus mais faute de preuve, et d'arme, impossible d'envoyer un client chez le juge. Fond du dossier, le trafic de stupéfiants.
Purpan : qui a assassiné Nordine Belkacemi ? En décembre 2012, suivi par une voiture alors qu'il se rend au Room 157, un solide père de famille est criblé de balles de Kalachnikov, près de l'hôpital Purpan. Touché par de très nombreux impacts, il survit quelques heures avant de mourir à l'hôpital. Responsable de la sécurité d'un établissement de nuit, d'un caractère pas facile, Nordine Belkacemi pouvait avoir beaucoup d'ennemis. Les hommes de la police judiciaire ont soupçonné pas mal de monde. Mais aucune piste sérieuse et pas de mise en examen.
Izards : qui a tué Nabil et Miloud ? Une information judiciaire à la juridiction interrégionale spécialisée de Bordeaux, une autre à Toulouse, des soupçons mais là aussi pas de coupable, ni de mise en examen pour les deux assassinats des mois de décembre et janvier qui ont ensanglanté les Izards. Wallid Larbi-Bey a été soupçonné, et mis en en examen avec son ami dans la tentative d'homicide du gérant du Milano même s'il jurait n'y être pour rien. Pour les assassinats, difficile de les soupçonner : le 8 décembre ils se trouvaient en région parisienne et le 21 janvier en prison…

http://www.ladepeche.fr/article/2014/08/18/1935829-quatre-morts-et-des-zones-d-ombre.html

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