dimanche 29 juin 2014

Les ressorts de l’enquête Pastor

Rancœur, cupidité, ces deux sentiments mêlés? Si le mobile exact du commanditaire présumé de l’assassinat d’Hélène Pastor et de son chauffeur à Nice le 6 mai dernier reste à affiner, les enquêteurs pensent avoir identifié, confondu et interpellé tous les acteurs du complot meurtrier qui a endeuillé l’une des familles les plus influentes de Monaco et ébranlé la Principauté entière. Comment la PJ - dont "l’efficacité maximale" a été saluée vendredi par le procureur de la République de Marseille Brice Robin - est-elle parvenue à ce résultat en tout juste sept semaines d’investigation? Eléments de réponse…
Tout se serait joué en fait dès les premières heures de l’enquête. Dans la nuit du 6 au 7 mai, les policiers arrivent à la conclusion que les deux tueurs - le guetteur et le tireur -, avant de repartir en bus, sont venus jusqu’à l’hôpital L’Archet en taxi depuis le centre de Nice ; un taxi qu’ils ont réservé par… téléphone. Rien n’est gagné évidemment mais les enquêteurs savent dès lors que ce numéro peut les conduire jusqu’aux auteurs.
L’exploitation de ce numéro (bornage, géolocalisation, facturation détaillée…) va permettre dans un premier temps deux avancées majeures dans l’enquête. Les deux hommes du commando ont bien été filmés aux abords de l’hôpital niçois, mais les images sont de piètre qualité. En revanche, celles enregistrées lors de leur arrivée en gare de Nice sont d’excellente facture. Les tueurs ont un visage mais pas encore de noms. Cette même exploitation du fameux téléphone va ensuite conduire les enquêteurs jusqu’à l’hôtel où ils se sont posés en arrivant à Nice. La chance est encore du côté des policiers. Les deux "touristes" y ont abandonné un flacon de gel douche entamé qui a été miraculeusement conservé par la femme de ménage. L’un des deux hommes y a laissé ses empreintes génétiques. Connu pour trafic de stups, Samine Saïd Hamed, un Comorien de 24 ans - on saura plus tard qu’il s’agit du tireur présumé -, est le premier suspect identifié de l’affaire Pastor.
La téléphonie tient un rôle essentiel dans cette enquête. Les policiers ont établi que le téléphone identifié (et sa puce) fait partie d’un lot - le procureur parlera d’une "flottille" -  acheté dans une officine marseillaise. Au total, ce sont près de 3,5 millions de communications qui seront analysées. Sans compter les facturations détaillées. Au fil de leurs investigations, les policiers comprennent que  qu’un certain Alhair Hamadi - d’origine comorienne également, 31 ans, un passé de voyou marseillais ; le guetteur sur les lieux de la fusillade - tient un rôle important. L’examen de ses contacts téléphoniques vont conduire les policiers jusqu’à Salim Youssouf, gendarme adjoint volontaire - pressenti comme tireur, il se serait désisté au dernier moment mais aurait fourni les munitions - ainsi qu’à Abdelkader Belkathir.

Environ 250.000 euros retiré en liquide

Connu pour des "bricoles" par la police, ce Marseillais vient tout juste de déposer les statuts d’une société de BTP immatriculée dans le 12eme arrondissement. Belkathir connaît Hamadi depuis toujours - ils ont fréquenté le même foyer d’aide à l’enfance.  Mais il connaît aussi un certain Pascal Dauriac - sa sœur vit avec "ce coach sportif" depuis deux à trois ans. Agé de 45 ans, Dauriac n’est autre que le coach attitré depuis 15 ans du couple composé par la fille d’Hélène Pastor, Sylvia, et son compagnon polonais Wojciech Janowski. Or ce dernier - c’est la Sûreté monégasque qui transmet l’information à la PJ niçoise - a retiré en liquide et en neuf opérations distinctes entre le 22 avril et le 9 mai pas moins de 250.000 euros depuis son compte off-shore planqué à Dubaï. Le prix d’un "contrat"?
Le scénario se met en place. En janvier dernier, Dauriac - à qui Janowski a déjà offert voiture et voyages avant de lui promettre une maison et une certaine "stabilité financière" - sollicite son "beau-frère" Belkhatir pour "trouver des gens" en vue d’un projet criminel financé par quelqu’un de riche. Belkhatir contacte son vieux copain Hamadi qui fait d’abord la fine bouche avant de se laisser convaincre courant avril en échange d’une avance de 15.000 euros que Dauriac viendra régler à Marseille. Les policiers avaient aussi noté un "trou noir" dans l’emploi du temps d’Hamadi et Youssouf le mardi 29 avril. Ils obtiendront confirmation durant les garde à vue que, pilotés par Dauriac, les deux hommes sont bien venus en repérage aux abords de l’hôpital niçois.
C’est qu’il ne faut plus tarder. Gildo, le fils qu’Hélène Pastor vient visiter quotidiennement sur son lit d’hôpital, pourrait gagner prochainement son domicile. Problème, le "gendarme" se dégonfle. Jusqu’au bout, ils vont tenter de convaincre. Sans succès. Un certain Omer Lohore est sollicité. C’est lui qui recrute Saïd Hamed en catastrophe… Question argent, Janowski aurait payé 200.000 euros à Dauriac (qui en aurait gardé 50.000 pour lui) pour organiser le double assassinat du 6 mai. En bout de chaîne, Saïd Hamed et Hamadi se seraient partagé 60.000 euros.
 

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