samedi 10 mai 2014

Castelnaudary. La Défense plaide coupable dans l'affaire des déménageurs

Depuis plus d'un an, une enquête vise plusieurs sociétés de déménagements qui auraient surfacturé leurs services au ministère de la Défense. Dans une note confidentielle, l'armée reconnaît des abus.
Voilà un document qui devrait intéresser le parquet de Marseille, qui, il y a un an a ouvert une information judiciaire afin de déterminer si des sociétés de déménagements ne surfacturaient pas leurs services, aux militaires mutés outre-mer, ou pour ceux revenant au pays. Cette note émane de la DicoD (Délégation à l'information et à la communication de la Défense). Et où l'on apprend que le ministère de la Défense a décidé de mettre fin aux abus en reconnaissant l'existence de pratiques singulières et très juteuses. Cette note confidentielle devrait réjouir un homme, Marcel Barthélémy, propriétaire de la société Castel Dem, basée à Castelnaudary.
Depuis plus de deux ans, il se bat seul contre l'administration et ses confrères. Marcel Barthélémy est même le vilain petit canard de la profession. Il a osé briser la loi du silence. Bien que pratiquant des prix de 20 à 30 % moins chers que ses concurrents, la société Castel Dem a vu son chiffre d'affaires s'écrouler en moins de trois ans. Entre 2009 et 2012, celui-ci est passé de 617 000 € à 107 000 €. À l'époque, expliquait dans nos colonnes Marcel Barthélémy, «mes commerciaux, m'ont dit qu'en n'offrant pas de cadeaux, nous n'aurions pas les marchés». Las, il dépose plainte le 1er août 2012 auprès du procureur de la République de Carcassonne. Le 6 septembre 2012, le dossier est transmis au parquet de Marseille qui s'intéresse de près à des sociétés phocéennes qui ont organisé des déménagements de militaires, notamment vers la Nouvelle-Calédonie. Depuis ces révélations, l'état-major de l'armée de Terre a toujours refusé d'expliquer comment de tels dérapages avaient pu être commis. En visite à Carcassonne au 3e RPIMa, le 14 novembre, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian avait indiqué sur ce dossier «que l'affaire était à l'instruction et qu'il n'était pas certain que les faits soient avérés». Il est vrai, que pour sa défense, le ministère affirmait faire aussi des contrôles.

Une directive qui date de 1897

La note rédigée par la délégation à l'information et à la communication de la Défense (DicoD) et en date du 24 avril 2014 indique clairement que le ministère de la Défense prend l'affaire très au sérieux. Cette note de 5 pages qui est censé fournir «des éléments de langage» aux communicants de l'armée questionnés par des journalistes trop curieux, évoque sans équivoque que, par le passé, et encore aujourd'hui, que les prix des déménagements des militaires sont surfacturés. «Le bilan de la campagne 2013 n'est satisfaisant», peut-on lire. Si le nombre de mutations a diminué de 10 % d'une année sur l'autre, les dépenses ont augmenté de 21 %».
La Dicod rappelle également que les mesures prises pour limiter les abus semblent porter leurs fruits. Pour les premiers mois de l'année 2014, «les devis ont immédiatement diminué de 30 à 50 % par mètre cube par rapport aux coûts constatés en 2013». De quoi s'interroger sur la qualité des contrôles précédemment effectués.
En attendant les conclusions de l'enquête judiciaire, le ministère de la Défense a saisi le contrôle général des armées. Sa mission est la suivante : «Il devra faire toute la lumière, en toute rigueur, précise la note, sur de potentiels abus de certaines compagnies de déménagement». Reste un écueil comme le reconnaissent les auteurs de la note. Les déménagements sont régis par un décret du 9 juillet 1897 (qui est toujours en vigueur). «L'incitation à la fraude est inhérente à ce dispositif», constate la Dicod, car ce décret permet «une indemnisation sans limitation de plafond». Et de conclure : «Ce dispositif est propice aux ententes et collusion entre les sociétés de déménagement, la suppression des fraudes et risques de corruption est un exercice de tous les instants qui a ses limites». On comprend mieux que cette directive ait été appliquée au pied de la lettre par des déménageurs peu scrupuleux.

http://www.ladepeche.fr/article/2014/05/10/1878091-la-defense-plaide-coupable.html

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