jeudi 22 août 2013

Nordistes arrêtés au Brésil avec 18 kg de coke : mules ou pigeons ? (ENQUETE)

Depuis quinze jours, Laurie Dugardin et Julien Hernandez Herrera, les deux Nordistes interpellés avec deux autres Français à l’aéroport de Salvador de Bahia, dorment en prison à 8 000 km de chez eux. Le vice-consul de Recife devrait leur rendre visite aujourd’hui, tandis que dans la métropole lilloise, leurs proches se mobilisent. En transportant 18,5 kg de cocaïne, ils ont joué le rôle de « mules ». Malgré eux ?
1. Qui sont ces deux Nordistes ?
Mardi 6 août, 17 h heure locale, aéroport de Salvador de Bahia : Laurie Dugardin, 22 ans, et Julien Herrera Hernandez, 27 ans, s’apprêtent à embarquer pour Bruxelles, via Lisbonne. La police brésilienne tombe sur 18,5 kg de cocaïne répartis dans quatre bagages (il y en a pour 1 million à 1,5 million d’euros à la revente). Sur les caméras de surveillance de l’aéroport, les policiers repèrent deux autres suspects, qui accompagnaient les deux Nordistes : Sonia Chajri et Ibrahim Ouamari sont aussi interpellés. Les quatre Français sont placés en détention préventive dans l’énorme complexe pénitentiaire de Salvador de Bahia.
Laurie Dugardin vit à Erquinghem-Lys, près d’Armentières, avec son père. Sa mère, Christelle Bendhekheder, avec qui elle a vécu à Draguignan (Var) entre 6 et 18 ans, en est sûre : « On a fait miroiter à Laurie quelque chose pour l’attirer là-bas, mais certainement pas une histoire de drogue. » Laurie, sans emploi, a enchaîné les jobs de serveuse dans les fast-foods de la métropole lilloise. Pour Cathy, sa belle-mère houplinoise, « c’est une fille qui aime prendre soin d’elle, qui sort en boîte mais passe surtout 20 h sur 24 (sic) sur Internet ! » Franck Duquesne, patron de boîtes lilloises, confirme connaître cette « habituée de la Fabrik ». Très active sur Facebook, cette fan de Rihanna, de mode, de grosses cylindrées et de téléréalité (de Nabilla, mais aussi de la série « Les Chtis à Hollywood », déjà sur Facebook), y raconte sa vie, ses rêves. Comme Julien Herrera Hernandez, oiseau de nuit, fan des mêmes émissions. Romain, son ami, décrit ce vendeur de vêtements dans une boutique lilloise, qui vit à Faches-Thumesnil comme « féru de voyages ». Il plaide : « C’est une personne honnête. Son seul défaut est qu’il ne voit pas le mal, il fait facilement confiance. » Jeune papa, Julien devait se marier le 6 septembre.

2. Un groupe constitué ?

Ibrahim Ouamari, qui ne devait pas prendre l’avion, aurait reconnu lors des interrogatoires avoir placé la drogue dans les valises – il pourrait avoir joué le rôle de convoyeur, chargé de surveiller la marchandise durant le transfert vers l’Europe. Les trois autres « n’ont pas nié les faits », précise Franck Laval, consul de France à Brasilia. Leurs proches martèlent qu’ils ont été « piégés » en acceptant « un voyage gratuit d’une semaine au Brésil », avec des « connaissances récentes ». Pourquoi ont-ils effectué ensemble ce séjour aux allures de vacances, même si « Laurie n’avait pas le droit de prendre des photos », confie une de ses amies ? Selon les proches de Laurie qui auraient assisté à la scène, une copine serait venue lui proposer gratuitement ses billets d’avion parce que son propre passeport était périmé… Pour Laurie, c’était le premier voyage à l’étranger. « Tous les quatre ont un lien avec le Nord - Pas-de-Calais », observe une source au Brésil qui ne croit « pas au hasard » : « C’est en France qu’ils auraient été recrutés et non sur place au dernier moment. » Sonia navigue entre Nîmes (Gard) et la Belgique. Ibrahim est connu de la justice du Nord - Pas-de-Calais. Les trois autres, usagers des réseaux sociaux, ne sont pas « amis » sur Facebook, mais ont des connaissances communes. Reste le témoignage troublant de J., jeune femme de l’entourage de Julien, affirmant qu’on lui aurait « proposé 4 000 euros pour partir au Brésil et jouer le rôle de la petite amie ». « Méfiante », elle aurait refusé.

3. Que risquent-ils ?

Un juge brésilien vient d’être saisi. Le procès pourrait avoir lieu dès fin septembre-début octobre. « On leur assure la protection consulaire », indique Jacques Jouslin de Noray au ministère des Affaires étrangères, où on recense 2 200 Français incarcérés dans le monde. Environ 40 % pour des infractions liées aux stupéfiants. « Au Brésil, c’est 90 % », note Franck Laval, consul à Brasilia, qui compte actuellement une dizaine de cas similaires aux Nordistes. « Et tous ont le même profil : 25-30 ans, entre 4 et 8 kg de cocaïne, aux deux tiers des femmes ». Le pays renforcerait-il ses frontières à l’aube de la Coupe du monde de 2014 et des JO de 2016 ? « Il ne fait qu’appliquer les lois que chacun connaît !, indique-t-on au Quai d’Orsay. On met d’ailleurs en garde sur notre site. » Après les attaques de requins et la sécurité routière, le site précise en effet qu’on encourt au Brésil « de 3 à 15 ans pour trafic de stupéfiants »… Une source brésilienne, moins diplomate, note : « Le Brésil coopère bien avec les États-Unis et la France et il s’est donné les moyens de lutter contre les trafics de drogue, d‘or et de contrefaçons, notamment grâce au profilage. » En France, aucune instruction n’est pour le moment ouverte, ni à Lille ni à Paris. Mais « à moins qu’un des individus ait été placé sous surveillance avant ces faits, il n’y a pas forcément d’instruction en France lorsque des Français sont interpellés à l’étranger », précise-t-on à la Direction centrale de la police judiciaire.

4. Mules ou piégés ?

L’entourage de Laurie, Julien et Sonia se mobilise, notamment via les réseaux sociaux. Chacun a sa page de soutien, avec jusqu’à 1 600 membres pour Laurie (la première créée) privilégiant l’hypothèse du « pigeon » à celle de la « mule ». Des jeunes naïfs, avec des rêves plein la tête, comme celui de jouer une semaine au soleil aux « Chtis à Hollywood » ? Ou des « mules » volontaires, transportant la drogue contre de l’argent ? Au Brésil, une source nous confie : « Ça fait dix ans qu’on entend l’histoire du voyage gratuit. Je pensais la combine éventée. Quand on vous propose un voyage gratos, soit vous savez ce que vous faites dès le départ, soit, vraiment naïf, vous ne le découvrez que sur place. Mais à la frontière, vous savez que ce que vous transportez, emballé sous vide et dans du scotch, ce ne sont pas des herbes médicinales. » Le consul Franck Laval vient d’être appelé pour une affaire similaire à l’autre bout du pays. C’est son collègue Julien Guichard, vice-consul à Recife, qui rendra visite aux quatre Français emprisonnés à Salvador de Bahia.

http://www.lavoixdunord.fr/region/nordistes-arretes-au-bresil-avec-18-kg-de-coke-mules-ia0b0n1488714

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