samedi 23 juin 2012

Meurtre d’Agnès : l’enquête pointe des failles

Ni remords, ni émotion dans son récit. Un différend qui a mal tourné, c’est en substance ainsi que Martin*, mis en examen pour le et l’assassinat d’Agnès Marin le 16 novembre 2011, présente les faits dont la reconstitution a eu lieu hier au Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire). Le jeune homme, alors âgé de 17 ans, est accusé d’avoir attiré cette adolescente de 13 ans dans un bois, de l’avoir ligotée, violée, poignardée et d’avoir mis le feu à son corps. Le procès devrait se tenir l’an prochain et Martin risque vingt ans de prison, voire la perpétuité si l’excuse de minorité n’est pas retenue.

S’il a reconnu les faits, l’accusé, aujourd’hui âgé de 18 ans, a tenté de nier leur préméditation. « Il n’a eu de cesse d’adapter son discours à l’enquête, note une source proche du dossier. Il semble plus préoccupé par son bien-être que par le reste. » Il affirme avoir voulu faire peur à Agnès, l’avoir frappée sans mesurer ses coups. Puis il dit avoir pris peur et cherché à faire disparaître le
. En fait, l’adolescente a succombé à plusieurs dizaines de coups de couteau, assenés à des endroits vitaux, comme l’a révélé l’autopsie. Mais l’arme n’a jamais été retrouvée. L’essence? C’est Agnès qui l’avait dans son sac. Le lien pour la ligoter? Une ficelle de yo-yo, le passe-temps du moment de Martin. Le viol? C’est une petite voix, dans sa , qui le lui a suggéré…

L’instruction a aussi mis au jour, au-delà de la personnalité du garçon, la succession de failles qui ont précédé le drame. Malgré sa mise en examen pour un viol particulièrement violent — et soigneusement organisé — sur une amie d’enfance à l’été 2010 dans son village de Nages-et-Solorgues (Gard), Martin avait été jugé « réadaptable et réinsérable » par un expert-psychiatre. Après quatre mois de détention provisoire, il avait été relâché dans l’attente de son procès avec plusieurs obligations : être scolarisé en internat, ne pas revenir dans le Gard, avoir un suivi psychologique et psychiatrique.

La mère de la jeune fille met en cause l’établissement

Le collège-lycée Cévenol du Chambon-sur-Lignon, qui a accepté d’intégrer le garçon, a toujours expliqué ne pas avoir connu la « nature » de ses « ennuis judiciaires ». « Si tel était le cas, jamais nous ne l’aurions inscrit », martèle Jean-Michel Hieaux, vice-président du conseil d’administration, pour qui la faute revient au juge qui a accepté une scolarisation « dans un internat mixte, ouvert sur un parc de 16 ha sans murs ni clôtures ». Devant les enquêteurs, le père de Martin a dit sa vérité : lors d’une rencontre avec Philippe Bauwens, le directeur, il a bien évoqué une « agression sexuelle ». L’intéressé nie. « Il le lui a demandé, mais le père de Martin n’a pas répondu, poursuit Jean-Michel Hieaux. Un jour, Philippe Bauwens a même demandé à la psychologue de l’établissement ce qu’il avait fait. Celle-ci a répondu qu’elle n’avait pas à le lui dire. » Côté judiciaire, ce n’est qu’en mars, près de cinq mois après l’arrivée de Martin, que l’éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) se déplace enfin. Et lorsque Martin est suspendu deux fois, notamment pour avoir tenté de télécharger un film à caractère pédo-pornographique, l’éducateur n’est pas prévenu. Paola Marin, la maman d’Agnès, reste persuadée que l’établissement connaissait le passé de Martin. Elle n’exclut pas une action en justice. « Ce garçon, on lui en veut bien sûr, mais, insiste-elle, il y a d’autres responsabilités à rechercher. »

* L’auteur étant mineur au moment des faits, le prénom a été changé.
http://www.leparisien.fr/faits-divers/meurtre-d-agnes-l-enquete-pointe-des-failles-23-06-2012-2062310.php

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