jeudi 22 décembre 2011

Assises : Chabert acquitté, le mystère demeure

Et maintenant ? "Maintenant, je vais chercher ma femme. Cela fait huit ans que je suis innocent et que je le dis", lance Patrick Chabert du box des accusés. Quelques minutes avant, il s'effrondrait, en entendant le verdict : "Monsieur Chabert, vous êtes acquitté", annonçait la présidente de la cour Anne Segond. L'accusé encourait les 20 ans de réclusion requises avec méthode et application par l'avocat général Cortes.

Il n'empêche. Ni cadavre, ni preuve, ni mobile. Malgré les zones d'ombre, les jurés ont douté. Écouté, peut-être, les arguments servis par Me Llorente, en défense, qui a dénoncé "une justice aveugle", commis d'autres hypothèses (comme un enterrement sous X), et même pleuré avec des trémolos sur commande en posant sa main sur l'épaule d'Emilie, la fille unique du couple. Et sans doute le meilleur argument de son père.

Un marathon judiciaire

Les douze jurés ont donc décidé de déclarer Patrick Chabert innocent de l'assassinat de son épouse Nadine, disparue depuis le 10 juin 2003. Sa personnalité insaisissable a pesé sur les débats. Et sûrement aussi, sur la conscience profonde de chaque juré, très éprouvé par ce marathon judiciaire, et par le témoignage insoutenable d'une jeune femme, portrait craché de sa mère, au physique d'adolescente qui ne voudrait pas grandir, venue supplier qu'on lui rende son papa pour Noël.
"En partant, maman m'a dit
'Gros bisou mon bébé je t'aime'. Cette phrase me reste dans la tête, son bisou aussi. On m'a déjà pris ma maman, personne ne me dit qu'elle est morte, mais personne ne me dit qu'elle est vivante non plus. Alors dans le doute, ne me prenez pas mon papa."En pleurant, elle les a longuement suppliés : "J'ai 20 ans mais je suis encore une enfant. Je n'ai pas eu de jeunesse et j'essaie d'avancer grâce à un papa formidable, mais il est en prison. S'il vous plaît, arrêtez le massacre, rendez-moi mon papa." Des mots qui ont fait pleurer des jurés, un à un. Et tracé sans doute le destin de Patrick Chabert. "Pensez à ma fille !", a-t-il supplié à son tour.
L'espoir renaît
C'est là que le procès a basculé, au-delà peut-être de la question sur la culpabilité de Patrick Chabert. Dans son réquisitoire de cinq heures, troussé d'une rhétorique de bénédictin, Pierre Cortes avait appelé les jurés à ne pas se laisser submerger par l'émotion : "On a du mal à résister à la tentation de mettre fin à la violence de ce procès, mais n'écoutez ni la haine, ni l'affection. Je sais, Emilie, qu'il n'est pas audible pour vous d'entendre que votre mère est morte et que votre père l'a assassinée." Puis, s'adressant à l'accusé : "On nous dit 'À notre bon coeur, m'sieurs dames'. C'est beau, monsieur Chabert, mais ça n'est pas la justice."
Me Fayolle et Nougier, en partie civile, avaient plaidé pour réparer les "erreurs d'une enquête insuffisante", en rétablissant la vérité et en acquittant le prévenu. Ce que les jurés ont fait hier, au terme de quatre heures de délibéré. Patrick Chabert, en homme libre, a quitté la maison d'arrêt de Luynes hier à 18 h 35, entouré des siens et radieux. Reste désormais, comme il l'a promis, à retrouver Nadine.
http://www.laprovence.com/article/a-la-une/assises-chabert-acquitte-le-mystere-demeure

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