jeudi 8 septembre 2011

Guérini convoqué chez le juge : que lui reproche-t-on ?

Il est corse, socialiste et catholique. Jusqu'au bout des ongles. Mais je ne sais pas dans quel ordre", glissait récemment un proche de Jean-Noël Guérini à un journaliste de l'Afp. Sénateur, l'élu est aussi, depuis 13 ans, président du conseil général des Bouches-du-Rhône. Il est considéré comme l'homme fort du PS local.
Que lui reproche-t-on ?La procédure est partie de deux lettres anonymes adressées en février 2009 à la brigade financière puis au palais de justice de Marseille. Deux ans et demi plus tard, le réquisitoire délivré cet été par le parquet à l'encontre de Jean-Noël Guérini vise des faits de prise illégale d'intérêt, de trafic d'influence et d'association de malfaiteurs.

La prise illégale d'intérêt concerne un terrain préempté par le département en 2004 à La Ciotat, officiellement pour y protéger une plante. Deux ans après, la préfecture déclare le terrain d'utilité publique pour le traitement local des déchets. Le conseil général le cède alors à l'agglomération d'Aubagne pour agrandir une décharge voisine, exploitée par Alexandre Guérini, frère du président du Conseil général, dans le cadre d'un marché de plusieurs millions d'euros passé avec la collectivité. La justice reproche à Jean-Noël Guérini d'avoir voté, en juin 2006, la vente du terrain préempté, "alors qu'il savait que cette cession allait directement profiter à son frère". L'élu nie tout favoritisme en faisant valoir que sans l'intervention de la préfecture, le terrain serait toujours gelé. Les juges tiennent cependant pour preuve de la manoeuvre un appel entre les deux frères, intercepté par les gendarmes en avril 2009. L'élu y prévient son cadet qu'une enquête le vise, en ces termes : "A mon avis ça doit être pour les décharges (...) Mais de toute façon au bout de trois ans y'a prescription, y peuvent rien faire". Moins de trois ans se sont écoulés, en réalité, entre juin 2006 et l'ouverture de l'enquête, en février 2009.

Le trafic d'influence porte, quant à lui, sur une autre décharge exploitée par "Alex", pour le compte de l'agglomération de Salon-de-Provence, avec laquelle il a eu un contentieux financier. Ecoutes téléphoniques à l'appui, le juge soupçonne l'élu d'être intervenu auprès de la collectivité pour qu'elle engage un avocat favorable à son frère pour régler le litige.

Le soupçon d'association de malfaiteurs, enfin, le plus épineux pour Jean-Noël Guérini, regroupe plusieurs faits. Dans le volet de La Ciotat, l'élu aurait détourné le droit de préemption du conseil général, réservé à des motifs environnementaux, pour constituer une "réserve foncière" au bénéfice de son frère, tout en votant, le même jour, une subvention destinée à réhabiliter une décharge sur le fameux terrain. Il est aussi soupçonné d'avoir "toléré les immixtions sans titre" de son cadet dans des affaires relevant du département, "à des fins de clientélisme servant leurs intérêts communs". Des écoutes montrent des interventions répétées d'Alexandre Guérini, auprès de fonctionnaires ou de collaborateurs de son frère, au sujet de logements HLM, d'emplois ou d'associations. Les juges imputent enfin à Jean-Noël Guérini le remplacement des disques durs de son cabinet juste avant une perquisition en novembre 2009, et d'avoir recommandé à Alexandre, "en langue corse dans un souci supposé de discrétion", de débarrasser son bureau après l'avoir averti de l'enquête. L'élu, lui, clame son innocence.

Qu'en est-il de son frère aujourd'hui ?
Alexandre Guérini, suspecté d'être "le cerveau" de toutes ces affaires, a été mis en examen en mai dernier, notamment pour blanchiment, et placé sous contrôle judiciaire après avoir purgé cinq mois et demi de prison.
Pourquoi le PS est-il dans l'embarras ?Jean-Noël Guérini est peu connu au plan national. Pour autant, les socialistes sont embarrassés car, même s'il n'est plus président de la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône, Guérini reste l'homme fort du PS dans ce département. Et comme il s'agit d'une des fédérations les plus importantes en nombre d'adhérents, elle jouera forcément un rôle important dans la primaire socialiste. Tous les candidats ont donc été poussés à s'exprimer officiellement sur le "cas" Guérini. L'exercice est délicat. Tenter de mettre en avant la présomption d'innocence, tout en prenant ses distances avec l'élu. Tous se sont finalement accordés pour demander son retrait dans le cas d'une mise en examen.

Problème : Jean-Noël Guérini n'est pas le seul socialiste à connaître des difficultés avec la justice et, si une telle mesure devait se généraliser, elle pourrait rapidement clairsemer les rangs socialistes. En effet, un autre sénateur socialiste des Bouches-du-Rhône, le maire de Berre l'Etang Serge Andréoni, est également convoqué, dans la même affaire, le 14 septembre, pour des faits présumés de complicité de trafic d'influence. Elus, hauts fonctionnaires et chefs d'entreprise : une vingtaine de personnes, au total, sont mises en examen dans le cadre de cette information judiciaire.

On apprenait par ailleurs, mercredi, la condamnation par la cour d'appel d'Aix de Bernard Granié, président PS d'une intercommunalité des Bouches-du-Rhône, à deux ans de prison ferme, 100.000 euros d'amende et 5 ans d'inéligibilité, pour corruption dans le cadre d'un marché public de collecte des déchets. Il était accusé d'avoir perçu, entre 2003 et 2006, 300.000 euros en liquide de la société Provence Recyclage, en échange d'informations sur un marché de collecte des déchets attribué par la collectivité.
http://lci.tf1.fr/france/justice/guerini-convoque-chez-le-juge-que-lui-reproche-t-on-6676531.html

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