vendredi 3 octobre 2014

Drame à la maternité d'Orthez : l'addiction, un "problème" chez les anesthésistes

"Alcoolisme", "toxicomanie" : une "proportion non négligeable" d'anesthésistes souffre de problèmes d'addictions, selon un syndicat représentant les anesthésistes-réanimateurs
C
'est avec un taux d'alcool de 2,40 g/l de sang que l'anesthésiste belge de 45 ans, incarcérée jeudi après le décès d'une jeune maman à la maternité d'Orthez, s'était présentée mardi devant les gendarmes. Recrutée récemment, l'anesthésiste qui exerçait à titre libéral a indiqué souffrir d'"un problème pathologique d'alcool".
L'anesthésiste était-elle ivre lors de l'accident survenu fin septembre, qui a coûté la vie à une patiente de 28 ans ? Pour l'heure, rien ne permet d'affirmer cette hypothèse. Mais selon le procureur de Pau, Jean-Christophe Muller, la mise en examen "n'était pas dans son état normal durant l'intervention". Des membres de l'équipe médicale présents lors de l'accouchement ont évoqué ce soir-là une difficulté de "compréhension du nom des médicaments" et "un problème de réactivité".
Pour son père, en revanche, rien ne prouve que sa fille, diplômée en 1999 à Bruxelles, était alcoolisée jour de l'anesthésie. 
Selon Yves Rébufat, président du syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs, il y a une "proportion non négligeable" d'anesthésistes qui souffre de problèmes d'addictions. Il pointe des conditions de travail "difficiles".
Le cas de votre consoeur d'Orthez souffrant de "problème d'alcool pathologique" est-il exceptionnel dans la profession ?
"On est une profession un peu particulière"  
Yves Rébufat : "A ce degré de gravité, oui c'est exceptionnel. Mais des anesthésistes qui boivent un whisky le soir en rentrant chez eux, cela doit être assez fréquent. Ceux qui arrivent bourrés au travail c'est rarissime, mais ça arrive de temps en temps. Il y a une proportion non négligeable de personnes qui ont des addictions. Et des problèmes dépressifs, et des problèmes psychologiques divers. On est une profession un peu particulière, des alcooliques dans notre profession il y en a, des toxicomanes il y en a, c'est publié, c'est avéré.

Comment expliquez-vous ce phénomène ?
C'est un métier très stressant, du fait de l'activité en elle-même. Faire de l'anesthésie c'est plonger des patients en bonne santé dans le coma, cela a des conséquences sur la façon dont on voit la vie, la mort. Et cet exercice est souvent réalisé dans des conditions difficiles, du fait d'une certaine désorganisation de nos conditions de travail, avec des tensions dans les blocs opératoires, des conflits parfois, et tout cela expose à l'addiction. Le fait de travailler la nuit aussi. On a parfois des épisodes dépressifs à cause de ça. Or il y a des tas d'hôpitaux en France où il n'y a aucun suivi médical en médecine du travail pour les médecins, parce qu'ils ne sont pas considérés comme du personnel. Ils sont au-dessus de ça et donc ils ne sont pas contrôlés alors qu'ils en auraient besoin.

Comment la profession s'organise-t-elle pour remédier à ces problèmes ?
Nous avons mis en place un numéro vert (1) avec d'autres syndicats au sein du Collège français des anesthésistes-réanimateurs. C'est une disposition ouverte à tous les anesthésistes, qu'ils soient publics, privés, à leur famille.

Dans les régions aussi, il y a des discussions sur la manière d'orienter des confrères qui ne vont pas bien vers des structures de soins adaptées, qui leur garantissent l'anonymat. Parce que le problème est surtout là : le milieu médical est un milieu bavard. Quand l'un d'entre nous va consulter pour une pathologie X ou Y, en général tout le monde le sait.
Quand vous allez consulter pour une addiction, une toxicomanie, un alcoolisme, vous n'avez pas forcément envie que tout le monde, et vos confrères en particulier, le sachent. C'est une véritable difficulté.
(1) 08 00 00 69 62

http://www.sudouest.fr/2014/10/03/drame-a-la-maternite-d-orthez-l-addiction-un-probleme-chez-les-anesthesistes-1691855-4329.php

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