vendredi 30 mai 2014

Massacre de Tibéhirine: Retour sur dix-huit ans d’enquête

Les principales questions-réponses sur ce drame jamais élucidé…
Dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, sept moines français sont enlevés dans leur monastère de Tibéhirine, à 80 km au sud-ouest d'Alger. Ils sont séquestrés pendant deux mois puis tués. Leurs têtes sont découvertes deux mois plus tard sur le bord d'une route de montagne dans la région de Médéa, mais leurs dépouilles n’ont jamais été retrouvées. Près de dix-huit ans après ces assassinats, la justice française cherche toujours à savoir si ce sont des islamistes qui ont tué les moines, ou s’il s’agit d’une bavure de l’armée algérienne.

Quelle est l’info, ce vendredi?

La justice française enquête toujours sur ces assassinats, mais la tâche n’est pas facilitée par l'Algérie. Après un report ordonné par Alger en février dernier, le juge antiterroriste français Marc Trévidic n’a pas été autorisé à se rendre en Algérie pour mener des expertises sur les dépouilles des sept moines français, rapporte RTL ce vendredi. Alger avait pourtant donné son accord en 2011 pour cette opération.

Quelle est la thèse officielle de la mort des moines français?

Selon Alger, les moines ont été décapités par les islamistes de Djamel Zitouni, émir du Groupe islamique armé (GIA), qui les avaient kidnappés. 

Quelles sont les autres pistes?

Ces assassinats pourraient être une bavure de l’armée algérienne. Fin 2003, une information judiciaire est ouverte, et le juge antiterroriste Marc Trévidic récupère le dossier en 2007. A l’été 2009, l'enquête s'oriente vers une bavure de l'armée algérienne.
Selon l’ancien attaché de défense à l’ambassade de France à Alger, lors d’une mission, des militaires en hélicoptère ont tiré sur un bivouac d’islamistes et ont ensuite découvert qu’ils avaient tiré sur les moines. Ces derniers auraient alors été décapités pour laisser croire à une exécution et leurs corps criblés de balles dissimulés pour que les causes exactes de leur mort restent inconnues.
Selon une autre piste, les moines français ont été victimes d'un faux enlèvement ordonné par le Département du renseignement et de la sécurité (DRS) algérien, avec la complicité de l’islamiste Djamel Zitouni, le GIA étant infiltré par des hommes du DRS. Les moines auraient ensuite été éliminés sur ordre de la sécurité militaire. Plusieurs anciens agents du DRS ont témoigné devant le juge Trevidic, affirmant que les services secrets algériens ont pris part à l’enlèvement et la mort des moines trappistes.

Quelles sont les preuves?

Outre les dépositions, le juge Trévidic a fait déclassifier plusieurs notes «secret défense», qui montrent que tant les autorités algériennes que françaises ont dissimulé des éléments. Un document signé de l’ambassadeur de France à Alger résumant l’ensemble des constatations médico-légales réalisées sur les têtes des victimes, censé se baser sur le rapport d’autopsie réalisé par le médecin-gendarme de l’ambassade, pose problème.
Le médecin en question a affirmé au juge n’avoir jamais réalisé d’autopsie, n’ayant aucune compétence en médecine légale. Les enquêteurs n’excluent pas que l’ambassadeur a simplement recopié les conclusions de l’autopsie réalisée par les autorités algériennes, dont les conclusions allaient dans le sens de la version officielle.

Et maintenant?

Le juge Trévidic a adressé une commission rogatoire à Alger en décembre 2011 pour pouvoir se rendre sur place, auditionner une vingtaine de témoins clés de l’affaire, exhumer les crânes des défunts et les faire autopsier sur place par des experts français. Le but de ces expertises: comprendre si les têtes inhumées sont-elles celles des sept moines? Ou élucider les conditions de leur mort?
Mais sans aval des autorités algériennes, le juge Marc Trévidic ne pourra pas se rendre samedi 31 mai à Alger pour mener des expertises. Alger avait déjà reporté la visite du juge français en février 2014.

Ce refus d’Alger signe-t-il la fin de l’enquête?

Non. Désormais, cette enquête se déplace sur le terrain diplomatique. Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius doit se rendre en Algérie le week-end prochain. La question de cette enquête devrait être abordée.
Mais le sujet est délicat: la coopération entre les services secrets des deux pays est toujours recherchée par Paris. L’Algérie aide la France pour ses interventions militaires au Sahel et dans les négociations pour libérer les otages français dans cette zone. 

http://www.20minutes.fr/monde/1389137-mort-des-moines-de-tibehirine-retour-sur-18-ans-d-enquete

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