Depuis qu'a éclaté le scandale à "Relais et Châteaux", c'est la
première fois que le patron de la chaîne hôtelière, Jaume Tapies, accorde un
entretien. Il a choisi de s'exprimer dans les colonnes du Journal du Dimanche,
alors que la justice enquête notamment sur un système de "nuitées gratuites"
offerte à des personnalités. Jaume Tapies, qui avait siégé pendant treize ans au
conseil d'administration de la chaîne d'hôtels de luxe avant d'en prendre la
direction en novembre 2005, estime avoir été berné par son prédécesseur Régis
Bulot, qu'il appelle "Machiavel-Bulot", et qui est aujourd'hui mis en examen
pour "escroquerie en bande organisée".
"Personne n'aurait pu imaginer qu'il avait un compte suisse,
puis un compte aux Bahamas, et qu'il participait au pillage de l'association
(gérant la chaîne) avec des fonds en espèces," plaide-t-il dans cette interview.
Tout en affirmant ne rien savoir sur ce fameux système qui profitait apparemment
à des figures connues : "Pour ces 'personnalités', il devait effectivement y
avoir une liste, mais nous ne l'avons jamais trouvée. La seule personne qui en
avait connaissance était Régis Bulot. J'ai changé ce système", assure Jaume
Tapies.
"Villepin m'a fait savoir qu'il voulait me
rencontrer"
Il indique par ailleurs avoir été approché par Dominique
de Villepin, un ami de Régis Bulot, à la fin 2009, pour lui
demander de laisser tomber. "Via un membre de l'association, Dominique de
Villepin m'a fait savoir qu'il voulait me rencontrer. Nous avons convenu d'un
déjeuner. J'ai aussitôt prévenu les gendarmes, qui m'ont conseillé de ne pas y
aller seul ni avec quelqu'un de ma famille. Je m'y suis rendu avec mon
secrétaire général. M. de Villepin a dit d'emblée qu'en tant qu'ancien Premier
ministre, il s'était renseigné, qu'il avait appelé les gendarmes, et que le
dossier était vide. Il a ajouté qu'un président ne devait pas attaquer un autre
président, et que cela mettait ma carrière en péril", raconte le responsable.
"Il était clair qu'il voulait que j'arrête, que je retire la
plainte. J'ai essayé de lui expliquer qui était vraiment son ami Régis Bulot,
mais il avait l'air de ne pas y croire. Qu'un ancien Premier ministre fasse
cette démarche me choquait. J'avais devant moi un ancien Premier ministre dont
l'ami était à mes yeux un voyou et qui me demandait de laisser tomber cette
affaire".
Jaume Tapies révèle que l'escroquerie de Régis Bulot ne se
limitait pas à des surfacturation du papier servant à imprimer les guides de la
chaîne, mais aussi sur les opérations préalables à leur impression. "Le rapport
m'a été remis récemment et il est accablant", affirme le responsable. "Certaines
années, les surfacturations dans ce seul secteur atteignaient 400.000 euros.
Nous avons des preuves que ce système existait depuis 1997. Je viens d'adresser
ce rapport aux enquêteurs et ils pourront se pencher sur cette nouvelle piste.
En réalité, c'est toute la chaîne de réalisation du guide qui était pipée.
Globalement, j'estime qu'un million d'euros par an partait en fumée, soit
environ 30% de tout ce qui était facturé à Relais & Châteaux pour le guide
annuel".
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