lundi 16 janvier 2012

Affaire Carlton : les juges lillois se remettent sur la piste DSK

Les trois juges d'instruction lillois continuent de s'intéresser à toute une série de « parties fines », comme ils les appellent eux-mêmes, qui ont eu lieu à Paris, en Belgique ou à Washington, entre début 2009 et mai 2011. Point commun : Dominique Strauss-Kahn y était à chaque fois invité et des prostituées - entre autres - y participaient.

C'est parce qu'ils sont considérés comme les organisateurs - et les payeurs - que David Roquet, l'ex-patron de MEN, filiale lensoise d'Eiffage, et son copain Fabrice Paszkowski, entrepreneur pas-de-calaisien dans le milieu médical, ont été longuement interrogés à ce sujet mi-décembre.
Ils se croisaient dans les mêmes restaurants « depuis six ou sept ans », mais les deux hommes se sont rapprochés « il y a trois ou quatre ans », dit Paszkowski. Un même goût pour les bons restaurants, pour les contacts, et puis... « Je me suis dit que David serait peut-être intéressé et ça me permettait de minimiser les coûts d'organisation, et je lui ai proposé. »
Nous voilà aux fameuses « parties fines » où l'on croisait DSK, l'ami de Paszkowski. « Oui, je crois qu'il s'est un peu servi de moi », dit Roquet, mais il reconnaît que ça l'arrangeait bien : « Dans les affaires, c'est bien d'être connu et, pour un patron, d'avoir accès à la présidence. » Les deux hommes scellent une sorte de gentlemen agreement, afin de se partager les frais.

« 50-50 »

« Il n'y avait pas de règle établie, on en discutait et au départ, dans mon idée, c'était 50-50 », explique Roquet.
Ensuite, les choses ont peut-être un peu évolué : « Pour le dernier voyage à Washington (11 au 13 mai 2011, la veille de l'arrestation de DSK), j'ai dû prendre 70 à 80 %. » Paszkowski raconte même qu'en janvier 2010, alors que David Roquet n'avait pu participer parce que son passeport n'était pas valide, « il a payé l'intégralité des billets » et aussi une prostituée. À ce propos, d'ailleurs, Roquet semble l'avoir en travers de la gorge... « Il tardait à payer, elle réclamait sans cesse... J'ai avancé l'argent mais il ne m'a jamais remboursé. »
Un rien d'amertume : « J'ai dû m'asseoir dessus. » À l'hôtel Murano, dans un appartement privé parisien, en Belgique, on croise donc des couples libertins, parfois des femmes seules, quelques artistes, et des jeunes femmes rémunérées tout exprès. « Entre 500 et 1 000 euros », exclusivement en espèces, si on croit les deux hommes. « Je ne dirais pas qu'elles étaient des professionnelles car elles n'étaient pas à plein temps dans un club, dit Roquet. Il s'agissait de mères au foyer qui faisaient ça pour arrondir leurs fins de mois. » Paszkowski, lui, avait aussi ses connaissances, qu'il considérait comme « des libertines que l'on défrayait ». En fait, à Paris, « à partir du moment où un couple invitait un autre couple, tout le monde pouvait venir ». À condition d'être accompagné, c'était la règle.
On sent bien que les juges s'intéressent au comportement de Dominique Strauss-Kahn. Pouvait-il savoir que certaines femmes étaient des prostituées ? « Non », répondent les deux hommes d'un même élan. Eux savaient, bien sûr, Jean-Christophe Lagarde également, disent-ils, mais « il n'était pas de bon ton dans les soirées libertines de dire que des filles étaient rémunérées, confie Paszkowski. Lorsque tel était le cas, il fallait inventer un miniscénario. » Qui n'aurait certainement pas eu le césar au cinéma : il suffisait de faire passer la compagne de « Dodo » pour une restauratrice bruxelloise et les autres jeunes femmes pour des secrétaires d'Eiffage.
Et ça marche. DSK ne se doute de rien. « Non. DSK est un charmeur, séducteur, explique Paszkowski. Ce n'est pas le genre à payer pour avoir des relations sexuelles. Il faut voir les femmes qui l'accompagnaient (...). Certaines d'entre elles avaient un métier, parfois haut placé. »
Roquet confirme : « Dominique Strauss-Kahn n'était pas du genre à payer pour avoir une fille. Il avait suffisamment d'admiratrices pour cela. »
Une petite incursion dans le domaine des pratiques, puisqu'il serait question de violences... « Bien évidemment, la limite était le respect de l'autre », assure David Roquet. Aucune des filles ne lui a parlé de choses particulières. Certaines décrivent par ailleurs l'ex-ministre comme « un gentleman ». Paszkowski est tranquille : « Je n'ai pas eu de remontées d'informations avec les femmes de couples libertins qui se plaindraient de quoi que ce soit. »
Reste le cas des factures. S'agissant de Paszkowski, « sa société est en nom collectif, la loi écarte à ce propos tout cas d'abus de biens sociaux, comme ce pourrait être le cas pour une société anonyme », explique Me Vandamme, son avocat. « Et les prostituées ont toujours été payées en numéraires, sur les fonds propres de mon client ou David Roquet. »
Il y aurait bien une facture d'un peu plus de six mille euros, présentée par Virginie Dufour. « Mais elle ne concerne que des billets d'avion et l'hôtel à Washington. DSK n'est donc pas concerné... », dit encore Karl Vandamme.
Après René Kojfer, ce mardi, les deux hommes continueront de s'expliquer devant les juges d'ici à la fin du mois. Ils sont toujours en détention, et le parquet souhaite d'ailleurs qu'ils le restent jusqu'à ce que Dominique Strauss-Kahn soit entendu.
Mais quand le sera-t-il ? Et sous quel régime ? À ce propos, il faut peut-être considérer une discrète confidence des juges, qui auraient des éléments dont ni la défense, ni le public, bien sûr, n'ont connaissance à ce jour
http://www.lavoixdunord.fr/Region/actualite/Secteur_Region/2012/01/16/article_les-juges-lillois-se-remettent-sur-la-pi.shtml

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