dimanche 28 août 2011

Retraité tué. Deux jours de traque à la ferme

C'est un polar au milieu des vaches. Une énigme singulière sortie tout droit d'un roman d'Agatha Christie, en rase campagne. Cette fois, il ne s'agit pas de retrouver le meurtrier de l'Orient-Express. Mais de dénicher le familier qui a tué Jean Ibos, ce retraité agricole de 75 ans, avant de demander une rançon de 5000 000€ à sa famille, et fait croire à l'existence d'un réseau terroriste. Rien que ça…
Dans cette ferme familiale de Villeneuve Lecussan, au cœur du Comminges, en Haute-Garonne, la fin août caniculaire ne décourage pas Philippe Geneste.
Cet ouvrier agricole de 42 ans, recruté en avril 2010 par Michel Ibos, le fils de Jean, travaille d'arrache-pied. Apprécié de ses employeurs, cet Auvergnat va basculer dans le crime en fomentant un invraisemblable scénario, démonté en deux jours par les enquêteurs du SRPJ, de Toulouse.

Récit d'une traque.

Ce vendredi 19 août, vers 8h30, Philippe Geneste arrive, comme chaque jour, à la ferme des Ibos pour travailler. Inhabituellement, il gare sa voiture, une Peugeot 205, non pas sous les platanes, mais devant la villa des voisins. Vêtu d'un drôle d'accoutrement, sans doute pour ne pas être reconnu, il se saisit d'une corde et étrangle, dans l'étable, Jean Ibos, dit « Jeannot », le patriarche respecté. Un homme remis miraculeusement sur pied grâce à sa famille, après la terrible tempête de 2009. Il le ligote et tente de cacher son corps. Une heure plus tard, des voisins voient passer un C15 de la ferme avec à son bord, Philippe Geneste. Il prend la direction d'un champ de maïs. De retour à la ferme, il rédige une demande de rançon qu'il dépose à l'entrée de la porte. Une entrée utilisée par les familiers. Vers midi, l'épouse de Jean Ibos, affolée, découvre le contenu menaçant. Les ravisseurs assurent détenir en otage Jean Ibos. Ils réclament à la famille 500 000€ de rançon pour le revoir en vie. « Ne pas alerter la police, ni les amis », précise la lettre manuscrite. Une écriture sereine et sans fautes.Trompant son monde, Philippe Geneste feint l'angoisse et la détresse. À tel point que l'épouse de Jean Ibos le console. Une tape dans le dos : « Ne t'en fais pas Philippe, on va le retrouver… »
Vendredi soir, une quarantaine d'enquêteurs de la PJ débarquent dans la ferme familiale. Tout le monde est auditionné, Michel Ibos, sa mère, Philippe Geneste, le second ouvrier agricole et des écoutes discrètes sont mises en place. Les enquêteurs cernent les personnages sans jeter la suspicion sur l'un d'entre eux. Dans cette partie de « Cluedo » grandeur nature, Philippe Geneste fait déjà office de suspect numéro 1. Il a été aperçu vendredi après-midi en train de descendre du grenier. Dans ce lieu, les enquêteurs découvrent une couverture avec une tâche brunâtre. L'étau se resserre. Au domicile de Geneste, situé à Cantaous, à 10 minutes de la ferme, les policiers saisissent un pantalon taché du sang de Jean Ibos. L'ouvrier agricole doit partir en congès samedi. Mais pour ne pas éveiller ses soupçons, les enquêteurs lui souhaient «bonnes vacances.» Dans le même temps, ils font tout pour le retenir à la ferme.
Dimanche matin, tout s'accélère. Michel Ibos reçoit un SMS toujours émis depuis le téléphone portable de Geneste. Le message signé en minuscule, « l'eta », indique que Jean Ibos est mort et que son ouvrier agricole a lui aussi été enlevé. « Les messages stipulaient qu'il fallait remettre l'argent dans la voiture de l'ouvrier agricole, celle de Philippe. Sa voiture n'avait pas bougé. Ici, ce n'était pas un lieu pour une remise d'argent », s'étonne Michel Ibos, en recensant les failles. Le téléphone de Geneste est localisé près de son domicile.
A 18 h30, fin du film. Geneste est arrêté par les policiers. Il les conduit jusqu'au champ où il a caché, durant deux jours, le corps du malheureux retraité, ligoté et étranglé. Pourtant, Geneste croyait à son scénario. « Vous vous trompez, je suis l'otage, ils m'ont relâché ! », insiste-t-il auprès des policiers. Seul à croire à ses délirantes diableries. Avant de tout reconnaître.
http://www.ladepeche.fr/article/2011/08/28/1154800-villeneuve-lecussan-retraite-tue-deux-jours-de-traque-a-la-ferme.html

Aucun commentaire: